Détention arbitraire du journaliste algérien Mustapha Bendjama de février 2023 à avril 2024

Détention arbitraire du journaliste algérien Mustapha Bendjama de février 2023 à avril 2024

Mustapha Bendjama est journaliste et rédacteur en chef du journal Le Provincial. Ces dernières années, Bendjama a été convoqué par la police des dizaines de fois et poursuivi en justice à plusieurs reprises pour son travail de journaliste et ses prises de position critiques. Il a été arrêté le 8 février 2023 sur son lieu de travail à Annaba. Il est actuellement accusé d’« association de malfaiteurs dans le but d’exécuter le crime d’immigration clandestine » et de « traite de migrants dans le cadre d’une association organisée de malfaiteurs ». Ces accusations sont liées au départ de l’Algérie vers la France via la Tunisie de l’activiste Amira Bouraoui. Dans une seconde affaire, il est accusé d’avoir « reçu des fonds d’institutions étrangères ou nationales, afin de commettre des atteintes à l’ordre public » et d’avoir « publié sur les réseaux électroniques ou via les outils technologiques des médias des informations qui sont partiellement ou totalement classées comme secrètes ». Pour cette dernière affaire, Bendjama a été condamné à 2 ans de prison par le tribunal de Constantine le 29 août 2023. La peine a été ensuite réduite en appel à 8 mois de prison ferme et 1 an avec surcis. Dans l’affaire Amira Bouraoui, il a été condamné à 6 mois de prison ferme le 7 novembre 2023.

Mustapha Bendjama est journaliste et rédacteur en chef du journal Le Provincial. Ces dernières années, il a été convoqué par la police des dizaines de fois et a été poursuivi en justice à plusieurs reprises pour son travail de journaliste et ses prises de position critiques à l’endroit des autorités. Depuis novembre 2019, il fait l’objet d’une Interdiction de sortie du territoire national (ISTN). Bien que la décision ait été annulée par la justice algérienne en avril 2022, la police a continué à l'appliquer arbitrairement.

Il a été arrêté pour la première fois le 28 juin 2019 alors qu’il couvrait une manifestation dans la ville d’Annaba. Il a été remis en liberté le même jour après avoir subi des mauvais traitements.

Le 23 octobre 2019, Bendjama a été arrêté après avoir partagé un rapport de police qui avait fait l’objet d’une fuite sur Facebook. Le rapport de police portait sur le suivi et la poursuite de journalistes et correspondants dans la wilaya d’Annaba. Le rapport faisait référence à deux journalistes en particulier, dont Bendjama, qualifiés de « subversifs ». Il a néanmoins été relâché un peu plus tard. Dans cette affaire, il a été accusé de « publication portant atteinte à l’intérêt national ». Le 10 janvier 2021, le tribunal correctionnel d’Annaba l’a condamné à deux mois de prison avec sursis assortis d’une amende de 20 000 dinars. Cette peine a été confirmée en appel le 27 juin 2021. 

Bendjama a ensuite été arrêté le 3 décembre 2019, alors qu’il se trouvait à proximité du siège de son journal où se tenait une manifestation hostile au meeting d’Ali Benflis à Annaba, organisé dans le cadre de la campagne présidentielle en Algérie. Bien qu’il se soit défendu d’avoir participé au rassemblement en question, il a été inculpé d’« incitation à attroupement non armé », « opposition au déroulement de l’opération électorale » et « opposition à travers un rassemblement à des actions autorisées par l’autorité publique ». Il a néanmoins été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. À la suite d’un jugement prononcé par le tribunal d’Annaba le 2 février 2020, il a été acquitté. La relaxe a été confirmée en appel le 18 novembre 2020.

Bendjama a été inculpé dans une autre affaire pour « diffamation et calomnie » et « outrage à corps constitué » à la suite d’une plainte déposée par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) suite à la publication d’un poste Facebook en juillet 2019 à propos de la fermeture des routes menant au consulat général de France à Annaba à l’occasion de la fête nationale française du 14 juillet. Il a été jugé par le tribunal de première instance d'Annaba qui a prononcé sa relaxe le 22 février 2021. La relaxe a été confirmée en appel le 18 juillet 2021

Les autorités ont également accusé Bendjama de « porter atteinte à l'intérêt national » et de  « diffamation » à la suite d’une plainte déposée contre lui par le Wali (gouverneur) d’Annaba. Ces charges sont liées à la publication par Bendjama d’une vidéo en mars 2020 dans laquelle on peut entendre des citoyens critiquer les autorités locales, dont le Wali d’Annaba pour ne pas être intervenu pour arrêter une fête de mariage en pleine crise sanitaire.

Dans le cadre de cette affaire, il a été condamné par contumace, à une année de prison ferme et 200 000 dinars le 20 décembre 2021, il a fait opposition à ce jugement. Bendjama aurait dû être rejugé devant le tribunal d’Annaba le 11 juin 2023. L’audience a été néanmoins reportée plusieurs fois. Le procès s’est finalement tenu le 9 juillet 2023 et le verdict a été communiqué le 16 juillet 2023. Il a été condamné à une amende de 30 000 dinars et à verser 50 000 dinars de dédommagement à la partie civile. Le contenu de la vidéo publiée en mars 2020 a été largement discuté lors des audiences. 

Plus récemment, le 8 février 2023, Bendjama a été arrêté dans le sillage de l’ « affaire Amira Bouraoui ». Active depuis 2011, Bouraoui est une militante franco-algérienne qui a été condamnée en 2021 pour « atteinte à la personne du président de la République » et « offense à l’Islam ». Elle est arrivée en France le 6 février 2023, après avoir quitté d’Algérie via sa frontière terrestre avec la Tunisie, où elle a échappé à une extradition. Son départ de Tunisie avait déclenché un incident diplomatique majeur entre la France et l’Algérie. Dans ce contexte, les autorités algériennes ont arrêté au moins cinq personnes pour avoir prétendument participé au départ de Bouraoui dont Bendjama.

Bendjama a été arrêté par les gendarmes le 8 février 2023 sur son lieu de travail, au sein de la salle de rédaction du quotidien Le Provincial à Annaba. Il a été maintenu en garde à vue jusqu’au 19 février 2023.

Il a alors été accusé d’« association de malfaiteurs dans le but d’exécuter le crime d’immigration clandestine » et de « traite de migrants dans le cadre d’une association organisée de malfaiteurs », en vertu des articles 176, 177 et 303 bis du Code pénal.

Suite à l’exploitation de son téléphone, Bendjama a également été accusé d’avoir « reçu des fonds d’institutions étrangères ou nationales, afin de commettre des atteintes à l’ordre public » en vertu de l’article 95 bis du Code pénal, et d’avoir « publié sur les réseaux électroniques ou via les outils technologiques des médias des informations qui sont partiellement ou totalement classées comme secrètes », en vertu de l’article 38 de l’Ordonnance n° 09-21 sur la protection des informations et des documents administratifs. 

Suite à sa présentation devant le juge d'instruction du pôle spécialisé près le tribunal de Constantine, Bendjama a été placé en détention provisoire à la prison Abdelhamid Boussouf de Constantine le 19 février 2023.

Bendjama semble être poursuivi non pas pour des faits qu’il aurait commis, mais en représailles à des faits reprochés à une tierce personne. Les autorités algériennes semblent invoquer l’affaire dite Bouraoui pour justifier des actions répressives.

Estimant que les procédures judiciaires visant Bendjama, y compris celles engagées suite à son arrestation du 8 février 2023, sont directement liées à l’exercice de son droit à la liberté d’expression protégé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), MENA Rights Group a sollicité l’intervention de la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la liberté d'opinion et d'expression le 19 juillet 2023.

Le 29 août 2023, la Cour de Constantine a condamné Mustapha Bendjama à 2 ans de prison, aux côtés du chercheur algéro-canadien Raouf Farrah

Considérant la détention de Bendjama comme arbitraire, MENA Rights Group a envoyé une Demande d’Avis au Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU le 23 octobre 2023.

Le 26 octobre 2023, le tribunal de Constantine a condamné en appel Bendjama et Farrah à 8 mois de prison et un an avec surcis. Après avoir purgé sa peine, Farrah est immédiatement libéré. En revanche, Bendjama reste en prison en attendant son procès dans l'affaire Bouraoui.

Le 7 novembre 2023, le Pôle Spécialisé de la Cour de Constantine a condamné Bendjama à 6 mois de prison. Étant donné que la durée de sa détention préventive excède cette peine, il aurait dû être libéré. Néanmoins, le jugement du Pôle spécialisé de la Cour ne prévoit pas sa libération.

Le 18 avril 2024, Bendjama a été libéré de prison.

 

Timeline

18 avril 2024 : Mustapha Bendjama est libéré de prison.
7 novembre 2023 : Mustapha Bendjama est condamné à six mois de prison dans le cadre de l'affaire dite Amira Bouraoui.
26 octobre 2023: Le tribunal de Constantine condamne Mustapha Bendjama à 8 mois de prison et un an de prison avec sursis.
23 octobre 2023 : MENA Rights Group soumet une demande d’Avis au Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU pour Mustapha Bendjama.
29 août 2023 : Le tribunal de Constantine condamne Bendjama à 2 ans de prison.
19 juillet 2023: MENA Rights Group envoie un appel urgent à la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression concernant la situation de Mustapha Bendjama.
16 juillet 2023 : accusé d’ « atteinte à l'intérêt national » et de  « diffamation », Bendjama est condamné à une amende de 30 000 dinars et à verser 50 000 dinars de dédommagement pour avoir publié en mars 2020 une vidéo traitant du mécontentement suscité par l’organisation d’un mariage en pleine crise sanitaire.
19 février 2023 : Bendjama est placé en détention provisoire.
8 février 2023: Bendjama est arrêté par la gendarmerie.
18 juillet 2021 : accusé de « diffamation et calomnie » et « outrage à corps constitué » à la suite d’une plainte déposée par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) pour un poste Facebook , Bendjama est relaxé en appel.
27 juin 2021 : Bendjama est condamné en appel à deux mois de prison avec sursis pour « publication portant atteinte à l’intérêt national » après avoir partagé un rapport de police le qualifiant lui et un autre journaliste de subversif.
18 novembre 2020 : accusé d’« incitation à attroupement non armé », « opposition au déroulement de l’opération électorale » et « opposition à travers un rassemblement à des actions autorisées par l’autorité publique » pour s’être trouvé à proximité d’une manifestation organisée dans le contexte de la campagne présidentielle de 2019, Bendjama est relaxé en appel.
Novembre 2019 – octobre 2022 : Bendjama fait l’objet d’une Interdiction de sortie du territoire national (ISTN).

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